L’Espagne a remporté l’Euro 12 ans après. Ce n’était pas volé, mais au contraire, la meilleure équipe l’a emporté. Le football n’a pas été ingrat et sévère pour une fois. Il a récompensé l’équipe qui a le mieux joué, qui a gagné tous ses matches et qui a fait une très bonne impression depuis la correction infligée à la Croatie au premier match jusqu’à ce succès sensationnel devant les Anglais. Douze ans après, l’Espagne déclenche un nouveau cycle avec une autre génération de joueurs, avec un autre sélectionneur et aussi avec un autre mode de jeu qui diffère un peu. De La Fuente, que plusieurs ne connaissaient pas, a réussi là où Luis Enrique a échoué au dernier Mondial. Ce sont toujours les grandes lignes de la philosophie de jeu ibérique, mais cet entraîneur y a mis son empreinte : un jeu de possession oui, mais moins de séquences longues et lassantes à base de dizaines de passes courtes entre les défenseurs et les milieux, mais plus de séquences de jeu rapides avec plus de profondeur et de «verticalité».
L’Espagne est la meilleure attaque au jeu offensif basé sur trois attaquants hors-pair, Morata, Williams et Yamal, mais c’est aussi l’équipe qui subtilise le plus de ballons grâce à un démentiel pressing et une supériorité numérique sur le porteur du ballon.
Le tout avec une mobilité à couper le souffle et des joueurs qui permutent, qui font des courses pour créer des espaces. C’est une Espagne qui enchante avec ce football sensationnel qui crée quelque chose, qui séduit le spectateur. Le jeu, le beau jeu, les joueurs d’instinct, les créateurs ont fait l’équipe la plus complète qui a gagné. Et c’est tant mieux. Ça nous soulage tant parce que l’on a ras-le-bol de ces clichés qui ont tué le football, tels que «les finales ne se jouent pas, elles se gagnent» ou «l’histoire retiendra seulement le nom du vainqueur». Des clichés «débilisants» et d’une «arrogante» argumentation. L’histoire retiendra bien sûr le nom de l’Espagne comme champion d’Europe, mais retiendra aussi qu’elle était la plus forte, la plus séduisante, la plus aimée (l’histoire retient que le Brésil était la meilleure équipe au Mondial 1982 même si elle n’a pas joué la finale par exemple). Cette Espagne retrouvée a battu la France en demi-finale, soit la sélection qui a le plus solide bloc-équipe en défense. Cette Espagne a toujours cherché à marquer, à mettre de l’impact dans le milieu, et à varier autant que possible ses actions. L’école espagnole, même si un peu remodelée avec De la Fuente, est une incarnation du football haut de gamme, le foot qui vous donne une autre perception de la beauté et de la culture de l’effort. Cette fois, moins de joueurs du Real et du Barça, et plus de joueurs basques essentiellement de la «Real Sociedad», mais toujours cette recherche de la domination et de jouer pour gagner et de convaincre.
Pour ceux qui aiment le football créatif et de fougue, ils sont bien rassasiés. Dans cette Espagne où Yamal a été le talent précoce, un joueur nous a émerveillés : Dani Olmo. Un concentré de technique et de solidarité, avec des buts et des passes décisives. Un énorme joueur qui va faire parler de lui après ce sacre.